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Président fondateur AS PÉTANQUE GASY

Après quatorze années de relations difficiles avec la fédération malgache de pétanque (FMP), le président fondateur de l’AS Petanque Gasy sort de son silence.

Eric Rassat, vous êtes le président fondateur de l’AS Petanque Gasy, une association qui milite pour le développement de la pétanque malgache. Dites-nous un mot de vos activités.

Nous soutenons les joueurs qui viennent en France ou qui y résident, nous tissons des liens entre eux et leurs supporters, mais nous menons également des actions chez nous, en soutenant des clubs et des écoles de pétanque. Notre objectif, c’est de promouvoir la pétanque à Madagascar, de donner la chance à des enfants des quartiers pauvres de découvrir ce jeu, de rêver de devenir un jour quelqu’un comme Lahatra RANDRIAMANANTANY, Thierry BEZANDRY, Toutoune ou Christian ANDRIANTSEHENO, et d’apprendre tout ça dans une école, de recevoir une éducation digne de ce nom.

Ces actions semblent se faire sans, et parfois contre, la fédération malgache. Quels sont vos rapports avec elle ?

Ce sont des rapports difficiles. Il y a, depuis le début, un manque de coopération total de leur part. Nous souhaitons faire évoluer la situation des joueurs à Madagascar, alors qu’eux se satisfont de cette situation par crainte des instances fédérales malagasy. Les joueurs sont exploités, et la fédération participe à cette exploitation. Quelques joueurs de haut niveau, commencent à réagir, tels Toutoune et Tiana Laurens RAZANADRAKOTO (Tonnerre), puis la suspension pour 5 ans du premier nommé (car Tonnerre s’est rétracté suite aux menaces), puis la levée de cette suspension suite à la pression internationale (FIPJP, Clubs de France et les joueurs du monde entier via les réseaux sociaux).

La pétanque est une discipline précieuse à Madagascar. Nous avons beaucoup de joueurs de très haut niveau, c’est un moyen de faire honneur à notre pays. Elle mérite mieux que ses dirigeants actuels.

En ce qui nous concerne, la fédération fait fréquemment obstacle à nos actions…

Donnez-moi des exemples.

Le premier date de 2003. Jean-Jacky RANDRIANANDRASANA était vice champion du monde de tir de précision l’année précédente, mais n’étant pas champion de Madagascar, il n’avait pas été retenu en équipe nationale. Comme il n’y avait que trois sélectionnés, nous avons proposé de payer son voyage et ses frais pour qu’il puisse aller à Genève défendre son titre. La fédération a refusé sans explication.

Il y a beaucoup d’autres exemples. Les clubs et les écoles de pétanque que nous aidons sont mis de côté par nos dirigeants, on empêche même leurs joueurs de partir en France l’été, on les empêche d’avoir un visa. Un joueur de Pétanque ne peut obtenir un visa qu’avec l’aval de la fédération.

Les propositions de financement de compétitions, de coupes et de trophées, de création gratuite de site internet que nous leur avons faites se sont heurtées à des refus. La FMP est hermétique à tout projet provenant de l’extérieur. La question d’argent revient aussi fréquemment lorsqu’on leur propose un projet. « Qu’est-ce que je gagne dessus ? », voilà ce que j’entends. Nos dirigeants regardent en premier leur intérêt personnel, et notamment leur intérêt financier.

En réalité, ils prolongent l’action des patrons, qui financent les joueurs et les tiennent sous leur coupe. Mais lorsque le patron gagne le championnat de Madagascar, il doit encore payer : c’est lui qui finance les frais de déplacement à l’étranger, les maillots, les hébergements, etc…

Ces problèmes existent depuis longtemps, mais aujourd’hui, on vous sent très remonté contre les dirigeants de la FMP. Qu’est-ce qui s’est passé récemment ?

Ce qui m’a révolté récemment, c’est la suspension de Toutoune : c’est la goutte qui a fait déborder le vase après quatorze ans passés à supporter le manque de coopération de la fédération.

Là, je veux témoigner. J’ai un cursus important dans le monde du sport, j’ai joué au tennis de table à haut niveau, mon club a évolué en super division, je l’ai enseigné grâce à un Diplôme d’Etat français, et je me suis ensuite consacré à la pétanque parce que c’est la seule discipline qui porte très haut l’honneur de mon pays. Mais la façon dont ça fonctionne là-bas me choque.

Je veux aussi témoigner, parce que les joueurs, eux, n’osent pas. Ils pensent la même chose que moi. Seulement, ils ont peur des représailles. D’ailleurs, regardez : Toutoune et Tonnerre ont fait cette conférence de presse ensemble. Toutoune a été sanctionné et pas Tonnerre, parce que lui s’est excusé ensuite.(cf. supra)

Beaucoup de joueurs se sont installés en France pour échapper à ce système. Lahatra, Christian ou Masaka peuvent faire les Masters sans être sous la coupe de la fédération et se retrouver dans la situation de Tonnerre ou de Toutoune. Ils ont compris.

Moi, je leur donne raison. Ils ont fait beaucoup d’efforts pour arriver à ce niveau, et ils ne méritent pas d’être exploités par un système opaque et répressif imposé par la FMP et quelques personnes qui les relayent à l’extérieur.

Toutoune a reproché à la fédération d’avoir exigé le remboursement de frais qu’elle avait avancé aux joueurs. Il a raison ?

Bien sûr. La fédération malgache veut que ses joueurs participent aux grandes compétitions en France, mais elle veut que cela ne lui coûte rien. Ce n’est pas correct.

D’ailleurs, j’en veux pour exemple qu’elle n’a jamais engagé d’équipe sous ses couleurs dans le Mondial la Marseillaise, alors que c’est la seule grande compétition qui n’a jamais été remporté par des malgaches. Pourquoi, selon vous ?

On comprend bien, après ces quelques réponses, que vous souhaitez qu’un peu de ménage soit fait au sein de la FMP. Qu’est-ce qui devrait changer, selon vous ?

Il faudrait que la fédération prenne en compte d’abord l’intérêt du pays, et l’intérêt des joueurs, avant de penser à son propre intérêt. Il faudrait aussi qu’elle commence à se préoccuper de la formation des jeunes, car là, elle ne s’y intéresse pas du tout.

J’aimerais aussi cesser de devoir aider des clubs en cachette pour éviter de les voir se faire couper les ailes par la fédération.

Alors, précisément, la tenue des prochains championnats du monde à Tananarive. Votre avis ?

Techniquement, ç’est faisable, le Palais des sports de Mahamasina répond parfaitement aux exigences internationales pour une telle compétition. Claude Azéma s’est déclaré satisfait de ces installations, il n’y pas de problème à ce niveau-là.

En revanche, concernant l’organisation, je suis plutôt inquiet car quelques questions se posent, dans la mesure où la FMP organise très peu de compétitions, et que le championnat du Monde exige des moyens humains importants et de savoir-faire.

Moi, la question que j’ai envie de poser, c’est : « A qui profitent l’organisation des championnats du monde à Madagascar ? » Si cela contribue à la naissance d’un nouveau mode de fonctionnement de la fédération, qui tendra à une meilleure prise en compte de l’intérêt des joueurs et donc de leur avenir, alors je demande à voir !

En conclusion, je souhaite qu’à l’issue de ces championnats au mois de décembre prochain (ndlr : 1er au 4 décembre 2016), naîtra la version FMP 2.0 à Madagascar !

Vive la pétanque !

Propos recueillis par  Thierry JEANNOT & PF rédaction Pétanquegasy.